crash Tu144

Crash du Tupolev Tu 144 au salon du Bourget

 

 

Le 3 juin 1973, le Tupolev Tu 144 rival du Concorde dans "la course au supersonique" s'écrase lors d'une présentation en vol au salon du Bourget tuant les six membres d'équipage. Les débris en feu tombent sur la commune de Goussainville détruisant une quinzaine de maisons et occasionnant la mort de neuf habitants et des blessures pour 25 autres.

Nous sommes en pleine guerre froide et les "boites noires" ainsi que l'enquête technique sont rapatriées en URSS. On ne saura pas grand chose des causes de l'accident mais au fil des années et plus encore depuis l'ouverture des archives de Moscou, on commence à comprendre.

 

La première thèse s'orientait vers la présence à bord d'une camera empruntée à une chaine de télévision française (probablement du modèle standard en métal Bell & Howell 16mm utilisé à l'époque,   comme ci-contre) qui aurait échappée des mains  d'un des mécaniciens, cameraman improvisé,  et qui se serait coincée entre les palonniers entravant les manœuvres du pilote.

 

Une autre thèse apparue plus tard est la modification par des ingénieurs soviétiques des capteurs du système de stabilisation automatique juste avant la démonstration pour étendre le domaine de vol et améliorer la prestation du Tupolev face au Concorde présenté à quelques instants d'intervalle.

 

Enfin une troisième hypothèse serait la présence trop proche d'un Mirage III en train de faire des photos de l'avion russe. Le pilote du Tu 144, en voulant prendre ses distances, aurait effectué une manœuvre trop brutale déséquilibrant le gros transport. Même invisible depuis le sol, la confirmation par le radar local de la présence du chasseur pourrait accréditer cette thèse et expliquer la discrétion de l'enquête.

Cette thèse est reprise par la télévision française en 1998: http://www.ina.fr/video/CAC97011005

 

 

 
 

Plus tôt dans la journée, le Tu 144 et le Concorde avaient fait une première présentation très remarquée. Le "Paris Air Show" du Bourget était considéré par les soviétiques comme par les franco-britanniques comme une  plate-forme de promotion exceptionnelle. Les autres présentations en vol étaient éclipsées par le "duel" des deux supersoniques.

 
 
 
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Comme deux artistes de music-hall se succédant dans un spectacle, le Concorde fait son show pendant que le Tu 144 se prépare.

J'étais présent au Bourget ce jour là et je me souviens du passage devant moi au roulage, à quelques mètres seulement, du Tupolev tandis que se déroulait la présentation exceptionnelle du Concorde avec un décollage "à l'arraché" tel un chasseur "Mirage" enchainant avec un passage au dessus du public "en danseuse", balançant d'une aile sur l'autre.

Le public chauvin était ravi et se demandait ce qu'allait pouvoir faire l'avion russe pour égaler "notre" Concorde.

 
   
 

Des extraits de films montrent la prestation de chasseur du Concorde et le passage majestueux devant le public du Tupolev Tu 144, en route vers son destin tragique.

 
    
 

Deux vues de l'impressionnante démonstration précédente du Tupolev. Cette fois, c'est un décollage à l'arraché puis une montée en chandelle. Pourquoi montait-il si haut ? Je le suivais néanmoins des yeux lorsque j'ai aperçu un énorme morceau de métal, presque de la surface de l'aile se détacher de l'avion qui a aussitôt commencé à chuter.

 
   
 

Comme les milliers de spectateurs présents et témoins du crash, hypnotisé, je suivais des yeux la chute vertigineuse de l'avion qui se démantibulait et disparaissait à l'horizon dans une boule de feu et un nuage noir.

 
 

Un quartier de Goussainville est dévasté comme après le passage d'un bombardier. Dans les jours et les mois suivants,  les riverains de chaque ville de France proche d'un aéroport ne pourront s'empêcher d'étudier les circuits et trajectoires et d'imaginer le pire à leur porte.

 
 
   
 
 

 

Les débris de l'avion seront rassemblés pour l'enquête en URSS

 

L'époque des années 1960/70 se prêtait bien au syndrome de l'espionite aigüe. La tension est-ouest et la concurrence des technologies permettaient bien des suppositions, ainsi en a-t-il été de l'aviation. Du fait de sa ressemblance avec le Concorde, le Tu 144 fut surnommé "Concordsky" car un "si bel avion" que Concorde ne pouvait qu'avoir été copié après un espionnage intensif par des "moujiks" ! Mais on note aussi que le Tu 144 vola avant le Concorde et passa Mach 1, puis Mach 2 avant le Concorde. L'élève aurait-il donné une leçon au maître ?

Il est quand même notoire qu'aux mêmes problèmes posés, une technologie équivalente va apporter les mêmes réponses. Ainsi le choix de l'aile delta pour voler à + M2 et de quatre moteurs sous les ailes, car ou les mettre ailleurs, un train très haut suite au cabré de l'avion  à l'atterrissage et au décollage ou un nez basculant pour allier visibilité et finesse aérodynamique. Bien sûr, à ce niveau technologique, il y a, comme il y a toujours eu, un certain espionnage industriel y compris entre pays "alliés". Que n'a-t-on raconté sur les constructeurs automobiles nippons et leur propension à la copie à la même époque.

Devant la réussite technologique indéniable de l'avion franco-britannique, les américains lancèrent les études d'un SST (SuperSonic Transport) concurrent, plus grand et allant plus vite, bien sûr. Boeing, Lockheed et North American imaginèrent chacun un avion avec une aile delta, 4 moteurs sous les ailes couplés deux par deux, un nez basculant et un train d'atterrissage très haut. Nul pourtant n'a parlé de copies du Concorde. Mais devant les difficultés qui se présentaient, techniques et financières, les USA fusionnèrent d'abord, puis abandonnèrent leurs projets.

Le Tu 144 resta en service dans l'Aéroflot durant deux ans avec des passagers, mais sur des lignes intérieures seulement durant 8 ans en transportant du fret. Il sera produit à 16 exemplaires seulement, comme le Concorde. Loué à l'URSS et utilisé comme avion laboratoire par la NASA, le Tu 144LL,  sera retiré totalement du service en 1999.

 

 

Le Tu 144 LL a été utilisé par la NASA pour des essais en vol supersonique

 
   

 

Le Boeing 2707 (le chiffre 7 serait un porte bonheur chez Boeing depuis le 707), le Lockheed L2000 et le projet de North American

 
 

 

La compagnie "Braniff" avait passé commande autant pour des Concorde que des B2707. L'engouement pour l'aviation supersonique était grand sur toute la planète aéro! La ressemblance entre les deux avions est frappante.

 
 

Les frères ennemis témoins d'une époque, Tupolev Tu 144 et Concorde, sont aujourd'hui exposés côte à côte au musée technique de Sinsheim en Allemagne, pas très loin de Strasbourg. On peut même visiter l'intérieur !