TORONTO Vol AF 358

 

 

L'A340 atterrit mais refuse de s'arrêter

 

Le rapport préliminaire d'enquête canadien: http://www.bst.gc.ca/fr/reports/air/2005/a05h0002/a05h0002_update_20051116.asp

Le rapport définitif canadien du BST (pdf 4.5Mo) paru le 12 décembre 2007 ICI

 

Le mardi 2 août 2005, avec un léger retard, l'Airbus A 340 du vol Air France AF 358 en provenance de Paris arrive en vue de Toronto (Canada). D'après les premiers témoignages, l'aéroport subissait à ce moment là des orages violents et l'appareil avait tenté une première approche avortée. Lors de la seconde tentative, tout se passe d'abord normalement, au point que les passagers applaudissent lors du toucher des roues. C'est alors que l'avion est secoué violemment pour une raison que l'on ignore encore et continue sur sa lancée. Certains passagers entendent les "reverses" s'enclencher, puis s'arrêter. D'autres décrivent la foudre frappant l'avion et l'éclairage de cabine s'éteignant. D'autres encore parlent d'un feu moteur. Finalement, l'Airbus A340 quitte la piste en restant dans l'axe sur 200 m, tombe enfin dans un fossé et prend feu.

Quelques questions: Pourquoi l'avion n'a-t-il pas pu freiner ? La foudre aurait-elle frappé certains calculateurs ? Les "reverses" des moteurs, les spoilers et les freins ont-il alors fonctionnés normalement ? Et à quelle vitesse l'avion a-t-il  quitté la piste pour rouler encore 200m dans la boue ? Voyant la situation, y a-il eu tentative de remise de gaz par l'équipage ?  Enfin, la piste ayant une longueur de 2750m, l'Airbus ne s'est-il pas posé trop long ? Ce sont quelques-unes des questions auxquelles vont devoir répondre les enquêteurs français et canadiens chargés de dépouiller et d'analyser les enregistreurs de vol, les "boîtes noires".

Au milieu des cris et alors que plusieurs toboggans ne peuvent être utilisés, les 309 passagers et membres d'équipage arrivent tous à évacuer l'appareil qui brûle pendant plus d'une heure, à quelques dizaines de mètres seulement de l'autoroute la plus fréquentée du Canada. Seuls quelques blessés légers sont à regretter, mais chacun a conscience que le crash aurait pu être très meurtrier.

"Un véritable miracle" n'a pas craint de dire le Ministre des Transports canadien.

*  *  *

Dimanche 7 août 2005

De son côté, JC Spinetta a bien rempli sa mission: rapatrier les "boîtes noires" sur Paris, car pour les enquêteurs français c'est tout de même plus sûr de laisser faire des spécialistes que de voir des étrangers inexpérimentés "traiter" les données du vol alors qu'en France, on connaît et on sait faire.

Mais on espère que les enregistreurs vont bientôt revenir au Canada car ce sont tout de même des pièces à conviction.

Enfin, bilan de l'enquête au samedi 6 août: "on" sait  juste que l'avion a atterrit trop long et "on" ne comprend pas qu'il n'ait pas pu s'arrêter. Après 5 jours, ce n'est pas beaucoup tout de même, alors que pour Habsheim, en 24 h, on savait déjà tout, y compris les noms de tout  l'équipage. Enfin, plusieurs passagers ont décidé de porter plainte contre l'aéroport et contre Air France.

Juste 4 questions aujourd'hui:

Sur les photos, pas trace des "spoiler". N'y a-t-il vraiment pas eu de tentative de remise de gaz ?

Les passagers ont senti des" secousses" après le toucher. C'était quoi ?

Et les toboggans, pourquoi donc tous ne se sont pas déployés ? Les passagers ont été obligés de sauter depuis plusieurs mètres de haut pour sortir de l'avion. Et enfin, il semble qu'il n'y avait plus d'éclairage dans la cabine. L'évacuation se serait déroulée dans le noir ?

*  *  *

Toujours dimanche 7 août 2005

Une Hypothèse du crash relevée sur Radio Cockpit, le forum des navigants

Pourquoi pas le scénario suivant avec les éléments déjà connu:
Après 9 heures de vol, une attente dans la boucaille, un premier tour pour rien, on entend: "clear to land"
présentation OK, 160 kt demandé par le C puis 145 kt en finale.
A 500 ft Check list terminée:
"spoilers ...armed"
"autothrust... speed"
"autobrake...medium".
- passage entrée de piste correct à 145 kt, touch down normal.
- difficulté de contrôle par le PF (CM2 aux commandes) remise de gaz initialisée.
- mi piste vers 160 kt, dès le mouvement des manettes vers l'avant: spoilers disarmed and   autobrake disarmed automatiquement.
Pour x raisons, décision de continuer le freinage et de ne pas remettre les gaz.
- pleines reverses OK
- la sortie automatique des spoilers étant désarmée, personne ne pense à les sortir en manuel.
- la portance n'ayant pas été détruite par les spoilers, l'avion part en hydroplanage sévère et l'antipatinage lié au freinage manuel (pédestre) ne permet pas d'arrêter l'avion dans les limites .
- sortie de piste à 80 kt (on constate que les spoilers sont effectivement rentrés sur les photos)
- évacuation "au mieux" cf photos de presse

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Lundi 8 août 2005

Real Levasseur, l'enquêteur en chef du BTS ( BEA canadien ) chargé de l'enquête additionne les points presse pour informer en temps réel. Une volonté de transparence dont devrait bien s'inspirer le BEA et tous les services officiels français. Sans jamais se réfugier derrière "la justice" ou "l'analyse en cours", simplement au fur et à mesure des données qui lui parviennent, il évolue dans son analyse de l'accident pour approcher au mieux  la vérité des faits et des causes. Un exemple à suivre! Dernière analyse en date:

Au vu de l'endroit où s'est posé l'appareil, "il était impossible qu'il s'arrête avant la fin" de la piste dans la mesure où la pluie affaiblissait l'efficacité du freinage. En revanche, si la piste avait été sèche et que tout fonctionnait à bord, il aurait pu s'arrêter sans problème, a estimé cet ancien pilote au cours d'un point presse à l'aéroport Pearson de Toronto.

Notre expert suggère donc que le mauvais temps n'est pas seul en cause, même en cas d'atterrissage long, les systèmes ont pu participer aux problèmes rencontrés. A suivre donc avec encore plus d'attention quand on connaît les "boutons" qu'attrapent illico Airbus, la DGAC et Air France lorsque l'on ose critiquer un des enfants chéris de Toulouse.

Trois questions aujourd'hui: Pourquoi donc le pilote aux commandes, lorsqu'il touche à mi-piste, et sachant par expérience qu'il aura beaucoup de peine à s'arrêter à temps, persévère-t-il dans sa volonté d'atterrir ? Aurait-il un un cousin "kamikaze"? Et le BEA, pourquoi reste-t-il muet ? Peut-être qu'il a un certain nombre d'avis à prendre de ci de là....

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Mardi 9 août 2005        

Le journal "Le monde" du 9 août émet l'hypothèse d'un pompage moteur, une thèse qui permettrait d'expliquer bien des constations faites par ailleurs sur le manque de décélération ainsi que de comprendre des témoignages de passagers (bruits sourds, dérapage, feu sur l'aile avant l'arrêt de l'avion..). Mais comme le BEA répond toujours aux abonnés absents pour cause de réflexion intense, le besoin de savoir des citoyens français est mis aux oubliettes. Les Canadiens ainsi que les Italiens pour l'accident de l'ATR pratiquent la transparence, ce qui sied à tous les pays se targuant de démocratie. En France, c'est plutôt la technocratie qui règne en maître et certains intérêts, souvent non avouables passent en priorité. Pourtant, les passagers et les victimes ont le droit absolu de savoir, de connaître les causes d'un accident, n'en déplaise aux fanatiques de la raison d'état.

Les 3 questions du jour: F.N. le pilote sans nom aux commandes de l'A 340 avait une expérience de 10700 heures de vol dont 2500 sur A340 selon P.H. Gourgeon. Rien que des heures de vol comme pilote ? - La quatrième "reverse" que les canadiens cherchaient les premiers jours ne serait-elle pas celle du moteur qui a pompé ? Quand on connaît la vitesse extraordinaire avec laquelle le BEA a pu divulguer les enregistrements du CVR par le passé (Habsheim par exemple), pourquoi est-il aussi long à la détente cette fois ?

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Jeudi 11 août 2005

 

La réponse à une de nos question existait sur le site du BEA, dont acte.

"Les enregistreurs ont été apportés [Vendredi] matin au BEA par deux enquêteurs canadiens et le travail a aussitôt commencé. Il devrait être terminé au cours du week-end. Les données extraites seront analysées et exploitées à Ottawa dans le cadre de l’enquête.

Aucune information sur ces données ne sera diffusée par le BEA."

Il ne reste plus qu'à patienter jusqu'à ce que le BST canadien veuille bien dévoiler les listings. Pour le CVR, la transcription est en "clair" et donc tout peut aller très vite. Quand au DFDR, comme nous savons déjà d'après les déclarations précédentes que les systèmes de l'avion ont tous parfaitement fonctionné, les conclusions devraient être rapides également. Allez, nous allons pouvoir circuler car il n'y a plus rien à voir.

Autre info aéronautique importante de ce jour pour la sécurité civile mais qui n'a aucun rapport avec celle qui précède:

les CL-415 sont autorisés à revoler, ils sont exempts de défauts.

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Vendredi 12 août 2005

Une info intéressante pour l'enquête publiée sur Euro Cockpit http://www.eurocockpit.com/

et reprise par le figaro ce matin

http://www.lefigaro.fr/france/20050812.FIG0107.html?090025

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Samedi 13 août 2005

A lire les dernières informations distillées par le BEA sur http://www.bea-fr.org/francais/actualite/actu.htm , Airbus via TF1 sur http://news.tf1.fr/news/france/0,,3237096,00.html et les commentaires sur http://www.eurocockpit.com/ , la méfiance, la suspicion, les "non-dits" et les "embrouilles" sont à présent les dénominateurs communs dans l'enquête sur le crash de Toronto. Bien des gens  s'interrogent aujourd'hui sur le processus de l'enquête et la volonté des responsables d'informer rapidement sur les causes réelles du crash. La leçon de Habsheim n'a donc pas été comprise ? En poussant constamment le bouchon toujours plus loin, arrive un moment où il échappe à tous les joueurs et Airbus finira par comprendre un jour que "la perfection n'est pas de ce monde"....Trop tard ?

NB: Depuis que le BST a récupéré les enregistrements en début de semaine, il nous paraît bien silencieux. L'espacement des conférences de presse devient même inquiétant.

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Samedi 19 août 2005

Les tristes évènements de ces derniers jours occultent bien évidemment le crash de Toronto qui n'a fait, fort heureusement,aucun blessé très grave. Les experts du BEA sont mis à contribution sous toutes les latitudes puisqu'il semblent partie prenante dans les accidents en France, en Italie, en Grèce et en Colombie. Sauf à travailler la nuit où à embaucher du personnel, ils risquent fort d'avoir du mal à traiter de tous ces accidents très rapidement. Plutôt que de bâcler certaines enquêtes, qu'ils prennent donc le temps nécessaire y compris pour l'accident de Toronto à laquelle ils sont "associés". Mais pas trop tout de même parce qu'il s'agit d'un Airbus où bien évidemment, l'analyse s'avère plus délicate que pour n'importe quel autre aéronef de la planète avec de plus un cadavre dans le placard: L'oubli de réformer certaines procédures après un premier crash. Cela mérite-t-il mieux d'ailleurs qu'un laissez aller dans les entretiens mécaniques des avions ?

Enfin, le BST canadien assourdit par son silence. Il réfléchit, peut-être ?

 

 

 

*  *  *

Mais à la place, c'est Airbus qui donne des infos sur le crash. Le constructeur primerait donc sur les enquêteurs officiels, en possession des éléments de l'enquête avant tout le monde ? Pour tout dire, les passagers de Habsheim ne sont pas étonnés, ce n'est pas la première fois !

Et les conclusions d'Airbus sont nettes: Il n'y a pas d'indication [dans les analyses des boîtes entre autre] d'une quelconque anomalie dans les systèmes de l'avion ou de ses moteurs au moment de l'accident. Quoi de plus normal donc que l'avion ralentisse à peine sur plus de 1200 m de piste sans pouvoir s'arrêter ou que les différents systèmes  ne posent aucune question.

Comme nous sommes habitué lorsqu'il s'agit d'un accident d'Airbus, ne s'agit-il pas encore une fois d'une erreur humaine ?

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Vendredi 26 août 2005

Le jour même où le BEA reçoit les enregistreurs du MD82 de West Caribbean Airways pour les analyser, des photos des 2 "boîtes noires" sont publiées sur Internet. Un souci de transparence qui honore notre DGAC, mais histoire sûrement de couper court à toute éventuelle polémique. Le syndrome de Habsheim peut-être ?

     

Et pour l'A340, alors ? Pas de photos, pas de communiqués ? Aucun commentaire ?

 

     

L'A 340 d'Air France immatriculé F-GLZQ

    

    

L'A 340 parcourt les 2750m de la piste, continue sur sa lancée dans l'herbe et la boue sur 200 m avant de s'immobiliser dans un ravin. Le fuselage brisé en trois, il prend feu.

    

Les 309 personnes, équipage et passagers présent à bord arrivent tous à évacuer l'appareil malgré plusieurs issues condamnées par les flammes et le disfonctionnement de certains toboggans.

    

    

        

On distingue parfaitement l'absence de toboggan sur cette photo prise par Mathieu Bourdet, un passager. Plusieurs dizaines d'entre eux seront blessés légèrement lors de l'évacuation, en sautant de près de 2 mètres de haut. Très rapidement cependant, de nombreux rescapés auront conscience d'être des "miraculés" et laissent éclater leur joie.

               

Miracle, c'est le vocabulaire du ministre des transports canadien et de la presse canadienne le lendemain matin

             

     

Le fuselage de l'Airbus a brûlé presque entièrement. On distingue malgré tout les "reverses" des moteurs bien déployées mais également l'absence des "spoilers" sur les ailes qui devraient apparaître aussi.

    

    

    

    

Les deux "boîtes noires" sont récupérées. Le CVR et le DFDR ont eu "un coup de chaud", mais leurs données s'avèrent exploitables. Les deux enregistreurs sont envoyés en France pour être lus. Il est prévu qu'une copie des données, graphiques et paramètres doive ensuite être fournie aux enquêteurs canadiens.

     

Les traces dans la terre, ou plutôt la boue, s'étirent sur 200 m après l'extrémité de la piste.

    

 

La trajectoire telle que reconstituée dans le rapport définitif du BST canadien

Rappel

Quand on parle du Canada et du BST, on ne peut s'empêcher de se rappeler un triste accident d'un Canadair CL 415 de la sécurité civile arrivé la veille, le 1er août 2005 dans la région de Calvi et tuant les deux pilotes. Un témoin racontait alors:

«Le Canadair a perdu d'un seul coup tout son fuselage arrière, puis il est tombé comme une pierre et une énorme boule de feu a embrasé le ciel !» Encore sous le choc du spectacle dramatique auquel il a assisté, cet habitant de Calvi peine à croire ce qu'il a vu. «Ça a été très brutal, il n'y a pas eu de choc préalable : la queue est tombée d'un coup : la dérive, l'empennage... comme si l'appareil avait été attaqué à la tronçonneuse. C'était d'autant plus étonnant qu'il n'y avait même pas de turbulences importantes. Je suis moi-même pilote et je n'ai jamais vu une chose pareille... Privé de sa queue, l'avion n'avait plus de gouverne et il a chuté sur une centaine de mètres pour s'écraser devant la croix des Autrichiens.»

Alors que vient de sortir le rapport final pour l'A340, rien vu de tel, malgré mes recherches, sur le crash du CL 415 à Calvi, ni en France sur le site du BEA, ni sur celui du BST au Canada.

 

Pour revenir à l'A340 de TORONTO

Rapport préliminaire du BST Canadien à lire en français et en anglais sur le site:

http://www.bst.gc.ca/fr/reports/air/2005/a05h0002/a05h0002_update_20051116.asp

Le rapport est reproduit in-extenso ci après:

Rapport préliminaire établit le16 nov 2005 par le BST/TSC du Canada

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a ouvert une enquête sur cet événement dans le seul but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n'est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. L'enquête n'étant pas terminée, il se pourrait que les renseignements donnés ici soient modifiés à la lumière des faits supplémentaires qui pourraient être portés à notre connaissance.

Le présent message a pour objet de tenir les personnes et les organismes intéressés au courant des données factuelles recueillies jusqu'à ce jour, de donner des renseignements sur les activités liées à la sécurité et de préciser les futures activités qui vont se dérouler dans le cadre de l'enquête. L'analyse des données factuelles disponibles étant toujours en cours, il serait inapproprié de spéculer sur les conclusions du Bureau au sujet de cet événement.

Point sur l'enquête
Sortie en bout de piste
de l'Airbus 340-313
du vol 358 d'Air France
à l'aéroport international de Toronto / Lester B. Pearson (Ontario)
le 2 août 2005

Point sur l'enquête numéro A05H0002

This investigation update is also available in English.

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Résumé

Le 2 août 2005, l'équipage du vol 358 d'Air France (AF358), un Airbus 340-313, immatriculation F-GLZQ de la France, numéro de série 289, effectue une approche vers la piste 24L à l'aéroport international de Toronto / Lester B. Pearson (Ontario), au Canada. À 16 h 2, heure avancée de l'Est1, l'appareil fait un atterrissage long sur la piste d'atterrissage et sort en bout de piste pour terminer sa course dans un ravin tout juste à l'extérieur du périmètre de l'aéroport. Aucune marchandise dangereuse signalée ne se trouve à bord. L'aéronef est détruit par l'incendie subséquent. Deux membres d'équipage et neuf passagers subissent des blessures graves.

Planification de l'enquête

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a été informé de l'accident par les services de contrôle de la circulation aérienne (ATC) fournis par NAV CANADA à l'aéroport international de Toronto / Lester B. Pearson dans les minutes qui ont suivi. Le bureau régional de l'Ontario du BST a répondu immédiatement en envoyant des enquêteurs sur les lieux. Le BST a dépêché une équipe d'enquête dans le cas d'un événement majeur dans les 12 heures après l'accident.

L'équipe de gestion de l'enquête est composée d'un enquêteur désigné, d'un enquêteur désigné adjoint et de deux chefs d'équipe - un chef de l'équipe des opérations et un chef de l'équipe technique. Le chef de l'équipe des opérations est responsable des groupes suivants : exploitation, performance de l'aéronef, coordination des témoins, sécurité dans la cabine, services de contrôle de la circulation aérienne, conditions météorologiques et services d'intervention d'urgence et de l'aéroport. Le chef de l'équipe technique est quant à lui responsable des groupes suivants : enregistreurs de vol, groupes motopropulseurs, structure, systèmes, photos / vidéos, gestion des lieux, sécurité des lieux, examen des lieux et registres techniques et d'entretien.

L'équipe d'enquête responsable du travail sur le terrain était composée de 35 enquêteurs du BST appuyés par des représentants accrédités du Bureau d'Enquêtes et d'Analyses pour la Sécurité de l'Aviation Civile (BEA) de la France et du National Transportation Safety Board (NTSB) des États-Unis, et de 43 observateurs provenant des organisations suivantes : Transports Canada, la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis, NAV CANADA, Air France, Airbus, General Electric, l'Aircraft Accident Investigation Branch (AAIB) du Royaume-Uni, Goodrich Corporation, la police régionale de Peel et la Greater Toronto Airport Authority (GTAA). Le travail sur le terrain de cette enquête a été finalisé le 16 août, date à laquelle la responsabilité des lieux et de la piste 24L a été rendue à la GTAA.

L'étape suivant le travail sur le terrain est dirigée par le Laboratoire technique du BST à Ottawa (Ontario), au Canada. Des membres choisis de l'équipe se sont rendus en France pour rencontrer des représentants du BEA, d'Air France, de la Direction Générale de l'Aviation Civile (DGAC), des Aéroports de Paris et de l'avionneur Airbus à Toulouse afin de recueillir des renseignements additionnels sur les méthodes d'exploitation du transporteur aérien ainsi que sur les activités de réglementation de la DGAC. Cette visite a aussi permis à l'enquêteur de donner une conférence de presse devant les journalistes français spécialisés en aéronautique. Des exercices sur simulateur ont été réalisés dans les installations d'Airbus afin de permettre aux enquêteurs de mieux comprendre tous les facteurs inhérents à cet accident. On a aussi effectué d'autres entrevues avec les membres d'équipage de conduite et de cabine, ainsi qu'avec plusieurs gestionnaires d'Air France.

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Données factuelles

Le vol AF358 a quitté l'aéroport Charles de Gaulle, en France, à 7 h 53 avec, à son bord, 12 membres d'équipage et 297 passagers. Après un vol sans incident vers Toronto, l'appareil a reçu, à 15 h 56, l'autorisation d'amorcer son approche vers la piste 24L. Le copilote était le pilote aux commandes (PF) pour l'approche et l'atterrissage. Au cours de la descente vers l'aéroport, l'équipage a demandé des écarts de cap des services d'ATC à deux reprises pour éviter des cellules orageuses; ces écarts ont été autorisés.

Conditions météorologiques

Le 2 août 2005, les facteurs météorologiques dominants dans la région de Toronto étaient un système de haute pression, s'étendant du nord de la Baie d'Hudson, au Canada, à l'est du Kentucky, aux États-Unis, et un système de basse pression au nord-est de Québec (Québec), au Canada, et associé à un faible creux de surface le long du fleuve Saint-Laurent jusqu'au sud de l'Ontario.

Les prévisions émises par Environnement Canada peu avant 8 h indiquaient une probabilité d'orages de 30 % avec une visibilité de 2 milles terrestres (sm) et un plafond à 2000 pieds au-dessus du sol (agl) pour la période comprise entre 13 h et 18 h. Après 12 h, lorsque des activités orageuses ont été observées pour la première fois à proximité de l'aéroport, les prévisions ont été modifiées pour refléter la plus grande probabilité d'orages au cours de l'heure suivante. Les prévisions ont été ainsi modifiées toutes les heures alors que des orages étaient toujours observés.

Un peu après 15 h, des renseignements météorologiques significatifs (SIGMET) ont été diffusés. Ils annonçaient qu'une ligne d'orages organisée s'était développée à 20 milles marins (nm) ou moins de chaque côté d'une ligne quasi-immobile s'étendant de 20 nm à l'ouest de Buffalo (New York), aux États-Unis, à 50 nm au sud-ouest de Muskoka (Ontario), avec des sommets de nuages à une altitude maximale de 44 000 pieds. Les SIGMET étaient valides jusqu'à 19 h 15.

À 15 h, une heure avant l'atterrissage du vol AF358, un orage et des pluies abondantes balayaient l'aéroport avec une visibilité réduite à 4 sm et un plafond fragmenté à 5000 pieds. À 16 h, les conditions étaient essentiellement les mêmes avec des observations de coups de foudre de nuage à nuage et une visibilité inférieure dans le quadrant sud-ouest /nord-ouest. À ce moment, les vents de surface étaient du 290 degrés vrai de 11 noeuds.

Durant le vol, les membres d'équipage ont demandé et reçu plusieurs messages du système ACARS (système embarqué de communications d'adressage et de compte rendu) avec des mises à jour météorologiques ainsi que des mises à jour de l'ATC. Ils ont changé leur aéroport de dégagement, qui était à Niagara Falls (New York), aux États-Unis, pour celui d'Ottawa. À 15 h 54, un foudroiement a endommagé les indicateurs de la direction et de la vitesse du vent de la tour de contrôle régissant la piste 24L de l'aéroport international de Toronto / Lester B. Pearson; ce renseignement a été transmis à l'équipage, qui avait accès à la direction et à la vitesse réelles des vents par rapport à la position de l'appareil sur son système de gestion de vol (FMS). Les tempêtes étaient visibles sur le radar météorologique de l'aéronef - une au nord de la piste 24L et une autre au sud-ouest. Les équipages des deux aéronefs qui avaient atterri immédiatement avant le vol AF358 ont signalé que le freinage était peu efficace, et un équipage a estimé que le vent de surface près de la piste était du 290 degrés magnétique de 15 nœuds, avec des rafales de 20 noeuds. Ce renseignement a été transmis à l'équipage du vol AF358 par le contrôleur de la tour.

Presque au même moment où le vol AF358 a atterri, une ligne de pluie marquée associée à l'orage est passée sur un axe nord-sud approximatif, au-dessus de la piste 24L. Cette pluie était accompagnée de rafales et d'une modification de la force et de la direction du vent de surface. Pendant cette période, on a également signalé plusieurs éclairs et de la foudre. À 16 h 4, les conditions observées au lieu d'observation situé au sud de la piste 24L indiquaient des vents du 340 degrés vrai de 24 nœuds avec des rafales de 33 noeuds, un important orage au-dessus du terrain d'aviation, une visibilité de 1 sm sous forte pluie et un plafond à 4500 pieds agl.

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Renseignements fournis par l'enregistreur numérique de données de vol

Au cours de l'approche finale, le FMS de l'aéronef indiquait un vent du 300 degrés vrai à une vitesse de 15 à 20 noeuds et une composante vent de face d'environ 8 nœuds. L'équipage a fait passer le réglage du frein automatique de la position « low » à « medium » en raison de la réduction prévue du coefficient de frottement sur la piste au moment de l'atterrissage. L'aéronef respectait l'alignement de piste et la trajectoire de descente. La vitesse d'approche était de 140 noeuds, une vitesse appropriée pour la masse calculée de l'aéronef (185 tonnes) en vue de l'atterrissage. Les systèmes de pilotage automatique et de commande automatique de poussée étaient engagés. Ils ont tous les deux été débranchés à environ 350 pieds au-dessus du sol, point à partir duquel l'équipage a poursuivi l'approche à vue et a atterri conformément aux procédures d'utilisation normalisées (SOP) du transporteur aérien. L'aéronef est alors passé légèrement au-dessus de la trajectoire de descente et est arrivé au-dessus du seuil de la piste à une altitude estimée à 100 pieds; l'altitude normale à ce point est de 50 pieds. C'est alors que la vitesse indiquée a augmenté de 139 à 154 noeuds. Au cours de l'arrondi, l'aéronef est entré dans une zone de fortes averses. La visibilité vers l'avant des membres d'équipage a été grandement réduite lorsque l'appareil a dû faire face à des pluies diluviennes. L'enregistreur numérique de données de vol (DFDR) a enregistré le vent qui a tourné au 330 degrés vrai, entraînant une composante vent arrière d'environ 5 noeuds. La piste est devenue contaminée, étant recouverte d'au moins ¼ de pouce d'eau stagnante.

L'aéronef a touché le sol à une distance d'environ 4000 pieds sur la piste de 9000 pieds. Les déporteurs sont automatiquement sortis après le toucher des roues et, selon le DFDR, les membres d'équipage ont appliqué la pression maximale sur les pédales de frein de l'aéronef. La pression est demeurée constante jusqu'à ce que l'aéronef quitte l'extrémité de la piste.

Les données du DFDR indiquent que l'angle du réducteur de poussée sur la position angulaire des manettes des gaz a commencé à changer 12,8 secondes après le toucher des roues et que les inverseurs de poussée étaient complètement sortis 14 secondes après le toucher des roues. Les moteurs ont atteint l'inversion de poussée maximale 17 secondes après le toucher des roues. L'aéronef a quitté l'extrémité de la piste à une vitesse sol de 79 noeuds. Il s'est immobilisé à 1090 pieds au-delà de l'extrémité de départ de la piste. Les données du DFDR indiquent que l'aéronef a atterri avec 7500 kg de carburant à bord; 4500 kg de carburant pour le vol étaient nécessaires pour se rendre à Ottawa.

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Renseignements sur la performance d'atterrissage de l'aéronef

La longueur de la piste 24L est de 9000 pieds (2743 mètres). Selon le Manuel de référence rapide (QRH) d'Air France sur l'avion A340-313, page 34G, « Distance d'atterrissage sans auto brake », les distances minimales suivantes sont requises pour immobiliser l'aéronef. Il est à noter que, lorsque la piste est sèche, le QRH donne un facteur de correction de « 0 » pour les distances d'atterrissage avec ou sans inversion de poussée; par conséquent, dans une condition de vent donnée, les valeurs demeurent les mêmes.

DISTANCE D'ATTERRISSAGE RÉELLE
(de 50 pieds au-dessus du sol jusqu'à l'arrêt complet)
État de la piste Sèche   Mouillée   6,3 mm (1/4 de pouce) d'eau
  mètres pieds   mètres pieds   mètres pieds
Vent nul 1155 3788   1502 4927   1987 6519
Vent arrière de 5 noeuds 1264 4148   1682 5518   2265 7432
Vent nul, inverseurs de poussée en marche 1155 3788   1397 4582   1768 5802
Vent arrière de 5 nœuds, inverseurs de poussée en marche 1264 4148   1564 5132   2016 6614

 

Évacuation et intervention d'urgence

Après l'arrêt de l'aéronef, les agents de bord ont repéré des flammes à l'extérieur de l'appareil et ont ordonné l'évacuation. Les intervenants et les véhicules des services d'intervention d'urgence de l'aéroport sont arrivés sur les lieux environ deux minutes après l'immobilisation de l'aéronef. Leurs premières tâches ont été d'aider à l'évacuation des passagers et des membres d'équipage, de s'assurer que ces derniers se trouvaient à un endroit sûr et de maîtriser les flammes qui, alimentées par le carburant, s'intensifiaient rapidement. L'incendie a finalement détruit la presque totalité du fuselage de l'aéronef. La performance du matériel de lutte contre les incendies à mousse des véhicules des services d'intervention d'urgence a été grandement altérée par les fortes pluies associées à l'orage; la pluie diluait la mousse, la rendant moins efficace contre ce type d'incendie.

L'aéronef est pourvu de huit portes de sortie et des glissières d'évacuation connexes. Les deux sorties arrière du côté gauche sont demeurées fermées en raison de l'incendie observé dans cette zone immédiatement après l'arrêt de l'appareil. Une sortie centrale du côté droit a été ouverte, mais a dû être refermée après que la glissière d'évacuation se soit dégonflée à la suite d'un contact avec des débris de l'aéronef. Une sortie du côté gauche a été ouverte, mais la glissière d'évacuation ne s'est pas déployée. Les agents de bord ont commandé l'ouverture des quatre autres sorties, même si la glissière d'évacuation avant du côté gauche était endommagée. De nombreux passagers ont quitté l'aéronef avec leur bagage à main. L'évacuation complète a demandé moins de deux minutes.

Systèmes de bord

Jusqu'à maintenant, aucune anomalie importante des systèmes de bord n'a été relevée. L'analyse des données du DFDR n'a révélé aucune défaillance des systèmes. Au terme de l'examen physique des débris combiné à une analyse détaillée des paramètres à l'aide du DFDR, aucun problème n'a été détecté relativement aux commandes de vol, aux déporteurs, aux pneus, aux freins ou aux inverseurs de poussée. Les commandes de vol ont répondu comme prévu, les déporteurs sont sortis au toucher des roues, les pneus et le système de freinage ont fonctionné selon leurs caractéristiques de conception et les inverseurs de poussée étaient en position sortie. Les freins ont été soumis à des essais de pression, et une évaluation avec désassemblage plus poussée a été réalisée dans les installations de Messier-Bugatti-Goodrich à Troy (Ohio), aux États-Unis. Les circuits principaux et de secours des freins 2 à 8 ont été mis à l'essai en usine, avec des résultats conformes. Il a été impossible de mettre le frein 1 à l'essai en raison des dommages qu'il a subis au cours de l'incendie qui a suivi l'écrasement. Ce frein a été démonté et rien ne permet d'affirmer qu'une condition antérieure aurait pu entraîner un défaut de cette unité, ou en réduire la performance.

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Plan d'enquête

Au cours des mois qui viennent, l'équipe d'enquête analysera cet accident, ainsi que d'autres événements survenus précédemment qui présentent des caractéristiques similaires afin de mieux comprendre tous les facteurs contributifs en cause dans cet accident. Pendant cette étape d'analyse, le BST a l'habitude d'examiner l'interface homme, machine et environnement afin de déterminer si ces facteurs ont contribué à l'accident. L'équipe d'enquête continue d'être appuyée par le BEA, le NTSB et d'autres observateurs.

Une fois que la version provisoire du rapport de l'équipe d'enquête sera prête, elle sera examinée et approuvée par le directeur des Enquêtes (Air). Ensuite, la version provisoire du rapport sera soumise à l'approbation du Bureau et communiquée, sous la forme d'un rapport provisoire confidentiel, aux personnes désignées. Le Bureau examinera ensuite les observations des personnes désignées et modifiera le rapport au besoin. À la fin de ce processus, le Bureau publiera le rapport d'enquête final.

Si, au cours d'une enquête, le BST découvre une lacune sur le plan de la sécurité, il émettra une communication relative à la sécurité, dans les meilleurs délais, à l'intention du ministère ou de l'organisation de l'industrie du transport le plus apte à prendre des mesures de sécurité pour réduire les risques relevés.


1.   Toutes les heures sont exprimées en heure avancée de l'Est (temps universel coordonné moins quatre heures).


 

 

 

31 décembre 2009 Epilogue ?

Selon une dépêche de l'agence Reuters,

Une juge canadienne a approuvé un accord de 12 millions de dollars (8,0 millions d'euros) conclu par Air France sur l'indemnisation de 184 passagers, rapporte jeudi le quotidien Toronto Star.

Il précise qu'Air France versera 10 millions de dollars et des intérêts à un fonds d'indemnisation en échange de l'abandon de toutes les procédures engagées à son encontre après l'accident.

Aucun représentant d'Air France n'a pu être joint dans l'immédiat pour commenter l'article.

L'accord est juste et raisonnable, a déclaré la magistrate Joan Lax dans son jugement, rendu le 24 décembre et publié mercredi par la Cour supérieure de l'Ontario.

L'AFP précise de son côté:

Selon son jugement diffusé jeudi par la Cour, les 184 passagers, en majorité Canadiens et Français, qui ont participé à la plainte collective (45 autres n'ont pas voulu s'y associer et 68 ont conclu auparavant un arrangement à l'amiable avec le transporteur) se partageront ces compensations versées par Air France pour un montant de 10 millions plus intérêts d'une part, par Airbus, constructeur de l'appareil A 340, et par Goodrich, fabricant des systèmes d'évacuation ayant mal fonctionné, pour 1,65 million, d'autre part.

La juge Joan Lax a qualifié ce règlement de "correct" et "raisonnable" dans son jugement daté du 24 décembre.

(Ce qui devrait faire une moyenne de 36 000 € par passager)

Un autre volet de la plainte collective, visant Nav Canada, l'organisme de contrôle aérien, est encore en cours.