Toute 
          la procédure judiciaire du crash de Habsheim a reposé sur un point 
          fondamental du droit procédural français, à savoir que seule 
          l'accusation dispose d'experts dont les conclusions s'avèrent 
          déterminantes.
          
                  
          Durant l'enquête et l'instruction, puis les audiences, le travail du 
          juge d'instruction et des experts officiels désignés par la Justice 
          ont quasiment  force de loi. La défense peut bien sûr essayer, le plus  
          souvent vainement, de "remonter la pente"  avec ses "témoins", même si 
          ceux-ci sont reconnus  par ailleurs comme d'éminents experts auprès 
          d’autres instances judiciaires compétentes.
          
                  
          En France, pour l'accusation, point n'est besoin de démontrer, il 
          suffit d'avoir l'intime conviction et d'affirmer très fort. Point 
          n'est besoin de répondre aux critiques, il suffit de soutenir sa thèse. Point 
          n'est besoin d'écouter  les "témoins experts" de la défense 
          car juridiquement parlant, il n' "existent pas".   Point n'est besoin  
          d'être scientifiquement très rigoureux, la fonction d'expert officiel 
          se suffit à elle-même. Point n'est besoin d'avoir des scrupules envers 
          le prévenu que l'on condamne, le nombre d' "experts" noie les 
          responsabilités, comme dans un peloton d'exécution où personne ne sait 
          qui a tiré la balle à blanc. Et pour écouter les experts judiciaires que 
          la Justice aura nommé et suivre leurs conclusions, il y aura toujours 
          l'oreille attentive et favorable des juges. Un crédit absolu, presque 
          un chèque en blanc, en somme. 
          
                  
			Ailleurs, la véritable justice est celle qui ne craint pas le débat 
			à l'instruction comme à l'audience, celle qui met à égalité les 
			travaux des experts des deux bords, accusation et défense, avec un 
			même respect de leurs qualités, de leurs travaux et de leurs 
			compétences dès lors qu'elles sont reconnues. Le label d'expert 
			judiciaire ne suffit pas pour être le meilleur, le plus compétent ou 
			le plus intègre. Surtout qu'en France, la nomination d'expert judiciaire est 
          une carte de visite à vie, sans aucun contrôle des compétences dans le 
          temps.
          
                  
          Les experts judiciaires, il est vrai, prêtent serment. Mais dans une 
          société moderne où " le jugement de Dieu" n'a plus cours, quelle est 
          la sanction pour un parjure ? Plus d'huile bouillante, ni de duels, 
          encore moins d'estrapade pour les menteurs.
          
                  
          Les Anglo-saxons, même avec une justice imparfaite, comme toute 
          construction humaine, ne tombent pas dans ce travers français qui 
          continue de pérenniser pour les accusés le système inquisitorial du 
          "Saint-office", incompatible avec les droits de l'homme dont la France 
          se targue pourtant d'être un ardent défenseur.
          
          France, 
          réveilles-toi et efforces-toi de concevoir  une Justice du troisième 
          millénaire, loin de cet obscurantisme moyenâgeux condamné par 
          l'Histoire qui prônait l'aveu à tout prix.
          
                  
          La Justice est  une institution, respectable de fait, même si le 
          respect se mérite plus qu'il ne se décrète.  Mais les femmes et les 
          hommes qui la compose, avec leurs passions et leurs penchants humains 
          naturels, sont-ils, peuvent-ils, être chacune et chacun pour  autant au 
          dessus de toute critique,  parfois même au dessus des lois qu'ils 
          prétendent défendre et dont ils choisissent à leur convenance les 
			articles à appliquer ?
          
                  
          Pourquoi donc la "justice" serait-elle la seule institution,... avec 
          le Vatican, à prétendre ne jamais se tromper, ou presque ? Alors qu'elle ne fait 
          que dire le droit. Et le droit contient si bien tout et son contraire.
          
                  
          N'ayant bien sûr rien à cacher au peuple au nom duquel elle rend ses 
          décisions, pourquoi donc la Justice refuse-t-elle obstinément toute 
          exploitation médiatique moderne des débats qu'elle organise, loin de 
          l'usage autorisé de scribes d'une époque ancienne et révolue ?
          
                  
          Pourquoi donc la justice continue-t-elle à se repaître d'un langage 
          hermétique au peuple de France, pour qui tout jargon obscur est 
          susceptible d'appartenir à une société initiatique ?    
          
                  
          Comme citoyen  français, je désire ardemment que mon pays ait une 
          bonne Justice, une justice claire, rigoureuse, clairvoyante, moderne 
          et apolitique, à l'écoute des changements profonds du monde et prête à avouer ses 
          erreurs somme toute humaines lorsque le sort ou le destin d'un Homme 
          est au centre d'un drame.
          
                  
          Justice, comme je te crains pour tout ce que tu peux me faire, et 
          comme je désirerais tant te respecter.
			
          Jean 
			Claude Boetsch